- alain
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08032014
La crise diplomatique entre le Maroc et la France et ses conséquences
Le communiqué du 26 février 2014 émanant du Ministère de la Justice et des Libertés marocain aura-t-il des conséquences dont les 2 millions de ressortissants communs entre le Maroc et la France devront subir ? C'est la question à laquelle il convient de répondre.
Rappel des faits :
C'est une plainte*, déposée en France à l'encontre du chef du contre-espionnage marocain par l'ONG "Action des Chrétiens pour l'abolition de la torture", qui est à l'origine de la crise diplomatique entre les deux pays et plus particulièrement la forme prise par cette action judiciaire : une assignation jugée "musclée" par les autorités marocaines et remise par 7 policiers français à l'ambassade du Maroc à Paris. Malgré l'intervention du Président de la République auprès du Roi afin de désamorcer la tension, le Maroc ne juge pas suffisant les assurances du Ministre français des Affaires étrangères qui affirme que "toutes la lumière sera faite sur cet incident" d'autant plus que des propos de l'ambassadeur de France à Washington, tenus en 2011 concernant le Sahara occidental rapporté par un acteur espagnol selon lesquels "le Maroc est une maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre", n'est pas de nature à aider à l'apaisement.
Les faits, s'ils sont véridiques -et il y a malheureusement tout lieu de penser qu'ils le sont- démontrent tout de même un certain "amateurisme" de la part de personnages censés représenter un pays comme la France.
Conséquences :
Le Maroc, en représailles, a suspendu les accords judiciaires bilatéraux. Dans les faits, cela ne concerne pas les fautifs de ces "enfantillages" : les acteurs de cet incident diplomatique n'auront pas à en subir les conséquences.
Ce sont les 2 millions de ressortissants communs entre les deux pays qui deviennent ainsi otages d'un processus qu'ils n'ont pas souhaité, à l'origine duquel ils sont totalement étrangers !
Les accords judiciaires de 1958 et 1983 ont été unilatéralement suspendus par la gouvernement marocain.
L'accord de 1958 porte sur :
les échanges de magistrats, d’exequatur des jugements et d’extradition. Elle permettait en somme une équivalence simplifiée des décisions de justice rendues en France: «En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant au Maroc ou en France ont de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire de l’autre pays». Au niveau de l’échange des prisonniers, la convention de 1958 prévoit une procédure plus souple: «La France et le Maroc s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles suivants, les individus qui, se trouvant sur le territoire de l’un des deux Etats, sont poursuivis ou condamnés par les autorités judiciaires de l’autre Etat».
L'accord de 1983 porte quant à lui sur :
la famille. Il désigne la loi applicable en matière de mariages mixtes, de succession, de divorce et de garde d’enfant. Ce que l’on appelle en droit international privé une «règle matérielle», qui simplifie le travail des juges marocains en cas d’un litige portant un élément d’extranéité français (nationalité ou domicile). Et inversement.
Concrètement, nous risquons d'en revenir à la norme "par défaut". Ainsi, "l'Economiste" a interrogé Me Fayçal Benjelloun, notaire à Casablanca et spécialiste en droit international, qui parle de la problématique de l’exequatur : «Le régime juridique de l’exequatur tel que prévu par les conventions de coopération judiciaire va être désormais régie par la circulaire du Conservateur général en 2009». Donc un régime général prévu par le code de procédure civile, beaucoup plus complexe: «Le tribunal saisi doit s’assurer de la régularité de l’acte et de la compétence de la juridiction étrangère de laquelle il émane. Il vérifie également si aucune stipulation de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain». La notion d’ordre public étant relative, le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’examen de la conformité du jugement étranger à l’ordre public national.
Pour ceux d'entre nous qui ont connu les affres de la demande d'exequatur (acte rendant un acte français exécutable au Maroc), pourtant simplifiée par l' accord bilatéral, la fin de l'application de celui-ci risque de faire de la procédure un "parcours du combattant"...
Espérons que nous n'en viendront pas à ces extrémités et que la raison l'emportera... d'autant plus que le Maroc n'a aucun intérêt à ce que la crise dure, la France étant le premier partenaire commercial avec 8 milliards d'euros d'échanges en 2013.
*N.B. : la plainte déposé par l'ONG concerne des accusations de tortures en vue d'extorsion d'aveux à l'encontre d'un sarahoui condamné à 30 ans de réclusion par la justice marocaine.
Dernière édition par alain le Lun 10 Mar 2014, 20:44, édité 1 fois
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mise à jour du 10 mars 2014