"Trankat épisode 1", le vernissage (compte-rendu)

Bérénise Saliou a écrit:Septembre 2007, un soir de Ramadan, Place Feddan à Tétouan. Le Palais royal trône en arrière-plan. Malgré l’heure tardive, le centre de la cité andalouse est plein à craquer. Au loin, des marchands de rue vendent toutes sortes de camelotes. Des hommes jouent aux dés en buvant du thé à la menthe. Le bruit des petits cubes de plastique lancés d’un geste sec se mêle au brouhaha des conversations masculines. «Regarde cette ville» dit Younès. «Regarde son architecture, sa médina,
ses paysages et ses écoles d’art. J’ai depuis longtemps un rêve pour Tétouan: inviter des artistes à créer des œuvres avec les commerçants et les artisans de la médina». «Et bien, faisons-le!» répondis-je spontanément.

C’est ainsi qu’est né Trankat, espace de résidence, de création et d’événements pérenne en médina de Tétouan. La liste des personnes ayant apporté sa pierre à l’édifice est longue, mais il convient de rappeler le projet «Fayd» de Mohamed El Mahadaoui en 2009. «C’est la première fois qu’un projet d’art contemporain a lieu à l’intérieur de la médina» a-t-il été dit alors. Un peu plus tard, l’association marseillaise Sextant et plus a rejoint l’aventure en tant que co-producteur, faisant officiellement de Trankat un projet franco-marocain. La maison Ben Jelloun est louée en partenariat avec l’Institut Français de Tétouan. Une courte période de travaux s’ensuit et la demeure patrimoniale est prête à accueillir ses premiers artistes. Après six ans de démarches administratives et de persévérance, la réalité a rattrapé le rêve. Nous sommes en 2013 et Trankat est lancé.
Produite par l’Institut Français du Maroc, l’exposition «Trankat Episode #1» relate notre première année d’activité en articulant dimension locale et internationale.

Réalisée à partir d’un tapis de prière en laine commandé aux artisans de Fès, l’œuvre «Rising Carpet» est selon les mots de l’artiste: «le premier vrai tapis volant au monde». Objet hybride et fascinant mêlant harmonieusement technologies actuelles et artisanat traditionnel marocain, l’œuvre d’apparence ludique met en exergue les clichés de l’orientalisme et les crispations liées à la religion islamique.

L’œuvre «Aquariums» de Mohssin Harraki soulève quant à elle la question du discours officiel et de l’éducation. Constituée de trois aquariums remplis d’eau au fond desquels sont immergés des livres d’Histoire du Maroc en amazigh, arabe et français, l’installation met en œuvre le principe de dilution.

Jordi Colomer donne la parole aux jeunes de Tétouan avec son film «Architectes (Tétouan)». Guidé par les étudiants de 2e année de l’École Nationale d’Architecture de Tétouan, pour la plupart des jeunes filles, l’artiste a sillonné la ville blanche. Son film intègre une courte animation retraçant les étapes de création d’une maquette évolutive réalisée à base de pain provenant du four traditionnel du quartier et reflétant un panel de sensibilités et de représentations de l’espace. Des quartiers huppés aux zones secondaires, il donne à voir une série de cheminements piétonniers et intellectuels qui interrogent la notion d’espace public et de liberté individuelle.

On ne peut rendre compte de la richesse de l'exposition en un court article. L'assistance a apprécié la singularité et la démarche originale de cet aventure culturelle qui démontre la vivacité de l'Institut Français et notamment celui d'El Jadida. Cela permettra, nous l'espérons, de "clouer le bec"à un certain média détracteur de tout ce qui vient de l'Institut. En tout qu'à nous avons apprécié et nous ne saurions que recommander la visite à la galerie. L'exposition dure jusqu'au 18 octobre.