- alain
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Date d'inscription : 11/04/2011
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Localisation : EL JADIDA (Maroc)
23092017
No comment, toujours...
La question défraye la chronique mais ne semble pas intéresser la communauté étrangère que nous constituons à El Jadida. Le Maroc vient de subir les conclusions et recommandations de l'examen périodique universel du Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU. Nous en avons publié les termes que l'on pourra revisiter sur le lien No comment... Ceux-ci mesurent les progrès que le Royaume est appelé à faire dans ce domaine. La réponse du Ministre marocain en charge de ces questions interrogent certains de ses concitoyens.
Nous sommes un peu déçu du désintérêt montré par nos lecteurs à ces questions essentielles des Droits de l'Homme et, à fortiori, de la femme marocaine. A peine 30 lecteurs ont consulté notre publication ("No comment..."). Certes, nous sommes des résidents étrangers dans ce beau pays, "le plus beau pays du monde" disent avec une once de fierté nos hôtes, ce qui doit nous inciter à une certaine réserve. Mais cela ne doit pas nous "voiler la face".
Alors, nous persistons et signons : No comment, toujours, parce qu'il appartient aux marocains et à eux seuls de faire le Maroc de demain... Mais paroles à un marocain autorisé que nous connaissions plus optimiste que son papier du jour : Réda Dalil...
"POURQUOI LE MAROC NE CHANGERA PAS.
Les nouvelles en provenance de Genève sont mauvaises. Malgré Zineb dans le bus et l’indignation, malgré les suppliques de la frange du progrès, malgré la violence qui se déploie sous nos yeux, malgré nos rues devenues arènes de combats et déversoirs de frustrations, le Maroc ne changera pas.
Il faut l’entendre de la bouche du Ministre des droits de l’homme, Mustapha Ramid, pour se convaincre de l’inutilité de la lutte. Le sourire du vainqueur en coin, cet homme a rejeté 44 recommandations émanant du Conseil Onusien des Droits de l’homme. Arguant de l’intangibilité de la Constitution, il a inhumé les maigres espoirs qu’entretient la frange progressiste de ce pays quand à l’avenir de ses enfants. Donc résumons, pas touche à l’inégalité dans l’héritage, au mariage des mineurs, à l’interdiction des relations sexuelles hors mariage, au statut inique de l’enfant naturel, au viol conjugal, à la liberté de la presse... Cette litanie quasi-afghane de nos malheurs nous fait considérer l'éventualité d'un deal signé dans la pénombre entre l’Etat profond et le courant radical ; un deal à l'algérienne : L'Etat conserve le régalien, l'exécutif, le budget, la sécurité, la défense, les relations extérieures, les islamistes héritent, eux, de la rue, des mœurs, des valeurs, de la femme, du civil, ils auront tout le loisir d'inoculer leur venin rétrograde dans les veines des Marocains. Et, à ce petit exercice, il faut avouer qu'ils n'ont pas leur pareil.
Déjà, notre peuple autrefois joyeux, hospitalier, curieux de l'altérité, des langues de l'étranger, a subi une mutation radicale. Pourquoi se voiler la face? Dans l'éducation, les lobbies de fonctionnaires islamistes imposent leur loi d'airain. Pas question d'ergoter sur les textes éducatifs, profondément martiaux, anti-philosophiques, phallocratiques, allergiques à toute notion de progrès et d'émancipation. La physionomie même des professeurs a changé, un photomontage circulant sur les réseaux sociaux montre un personnel enseignant des années 60 comparé à son homologue contemporain. Hier, une tenue impeccable, robes, costumes aux coupes millimétrées, mentons hauts et fiers, aujourd’hui, sandales, pulls informes, figures débraillées et regards inquiétants, comme chargés d’une mission autre que celle de libérer par le savoir. On les dirait occupés à ourdir des stratégies d’embrigadement mental.
Les écoles sont verrouillées idéologiquement et même la bataille de chapelles qui fit jadis rage dans les universités entre gauchos et wahhabites, s'est soldée sur une large victoire des seconds. Au point où l'enseignement public est vicié de l'intérieur, intégralement gangréné par ces fier-à-bras qui imposent leur vision du monde et ont troqué le dialogue contre une rage écumante et une violence à fleur de peau. Voyez ce colosse hirsute de Larache s'attaquant à un jeune skateur et vous comprendrez que le fondamentaliste n'est pas là pour converser.
Alors oui il faut croire que le deal séparant le Maroc en deux sphères distinctes est une réalité. On fermera donc les yeux sur la bigoterie, sur le mythe du califat et sur les fatwas délirantes. La preuve, dans le domaine de l'Education, on ne s'étonnera pas que les gesticulations réformatrices du Ministre Hassad se limitent aux tables, aux tableaux, aux éviers et à la peinture. Normal, le contenu, le suc, l'essence de l'école, à savoir le projet de société est préempté, kidnappé, mis sous scellé par les conservateurs. Au fond, si l'Etat médiatise à grand renfort de journaux l'action énergique d'un Hassad, c’est pour mieux camoufler le deal. Juste une futile tentative de donner le change.
En réalité, que la façade du collège soit fraîchement repeinte où épluchée par l'usure et la négligence, n'y changera rien, seul compte l’endoctrinement du cerveau-éponge de l’enfant ou du jeune adulte. Le manuel et le transmetteur y injectent leur prose fatale en jet continu.
Les dès sont jetés et il semblerait que le Maroc s’engouffre dans un monde parallèle du type Interstellar. Un flottement hors de l’histoire. Le mythe porteur d’une société progressiste, respectueuse des droits humains, égalitaire, apaisée, exégétique, a fait long feu. Beaucoup en ont rêvé, mais à moins d’un big bang, cette image d’Épinal ne verra pas le jour. Aux progressistes qui l’ont appelé de leurs vœux, la possibilité d’une société libérée de ses chaînes, d’une abbaye de Thélème, d’une Arcadie, d’une Tunisie fantasmée… s’éloigne, devient au mieux un mirage, un formidable songe ou une réalité alternative, mais pas la nôtre.
Réda Dalil"
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