"Occurrence", ou la pifométrie au service du pouvoir

"Occurrence", ou la pifométrie au service du pouvoir

Ce cabinet d’études a mis au point une technique de comptage des manifestants au moyen d’une caméra et d’un algorithme. Une méthode largement contestée mais à la finalité très politique.

Publié le Samedi 11 Février 2023
Cyprien Boganda pour l'Humanité
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Pendant longtemps, le comptage des manifestants obéissait à une mécanique savamment huilée. Il y avait le chiffrage des syndicats, gonflé à l’hélium de la mauvaise foi selon le pouvoir en place ; puis celui de la préfecture de police, écrasé au rouleau compresseur de la politique, pour les manifestants. Et puis, un troisième larron s’est invité dans les débats : le cabinet parisien Occurrence, qui travaille avec plusieurs médias, se propose de sortir par le haut de la polémique grâce à une méthode fiable et indépendante. Mais, par un drôle de hasard, ses estimations « fiables et indépendantes » s’avèrent systématiquement inférieures à celles des syndicats, avec des ratios tellement élevés que même un policier pourrait hurler à la manipulation. Lors de la mobilisation du 31 janvier contre la réforme des retraites, les syndicats ont ainsi comptabilisé 500.000 manifestants dans les rues parisiennes, là où Occurrence n’en dénichait que 55 000. Même la préfecture est plus généreuse, avec une estimation à 87 000.

Alors ? Pour les détracteurs du cabinet, dont le flot grossit plus vite qu’un cortège syndical, c’est la méthodologie d’Occurrence qui est en cause. Pour comptabiliser, ce dernier a recours à une caméra captant les mouvements de foule depuis un lieu en hauteur, dont les images sont ensuite analysées par un algorithme. Problème : selon le physicien Bruno Andreotti, qui a publié un rapport au vitriol sur le sujet, ce type d’algorithme « fonctionne parfaitement lorsque les manifestants sont suffisamment séparés les uns des autres ». En revanche, dans les foules denses (ce qui est un peu la définition d’une manifestation), l’algorithme déraille complètement.

Les opposants d’Occurrence se demandent s’il ne faut pas mettre cette faille méthodologique sur le compte d’un biais… très politique. Le fondateur du cabinet, Assaël Adary, « like » à tour de bras les macronistes sur Twitter, au point que l’indépendance dont il se revendique est de plus en plus sujette à caution. L’intéressé réfute et se dit prêt à débattre de sa méthodologie. En toute objectivité, bien sûr.

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