Armistice fiscale : de quoi s'agit-il ?

Certains membres de l'association El Jadida-Accueil s'interrogent quant à la dernière publication du bulletin portant le numéro 46 et dont l'article intitulé : « Mise en conformité fiscale des avoirs en France » a attiré et sans doute alarmé plus que de raison. Je pense -et m'en suis ouvert avec l'auteur dudit article- que la livraison brute pour ne pas dire brutale de l'information n'a pas eu l'effet escompté, soit que, devant la complexité des problèmes soulevés, les lecteurs ont mis de côté cette information pensant qu'elle soulevait des questions ne les concernant pas, soit que d'autres lecteurs se sont inquiétés et nous ont interrogé sur la signification de ce texte.

De quoi s'agit-il réellement ?

On a bien compris que le Maroc était entré dans la communauté des pays qui ont décidé d'éradiquer la fraude fiscale internationale et, notamment, tout ce que l'on nomme le « blanchiment d'argent », les placements illicites dans des contrées dorées sur des comptes anonymes. Les « affaires » en France ou ailleurs ont, sous la pression populaire, poussé les gouvernements à agir. On a vu des pays entrer sur une « liste noire » sous la vindicte des autres pays et montrer leur volonté d'en sortir rapidement. Les révélations concernant certains de nos « politiques » ou de nos grands capitaines d'industrie, ont largement choqué l'opinion pour que le G20 prennent des initiatives visant à mettre un peu d'ordre dans les maisons...

C'est donc dans ce contexte que le Maroc a pris des dispositions contenues dans la Loi Fiscale pour 2014. Comme l'ont fait d'autres pays, notamment la France, le Royaume a décrété une amnistie fiscale vis à vis de ses ressortissants fiscalement imposés au Maroc qui, d'eux mêmes et avant le 31 décembre 2014, établiront une déclaration de leurs avoirs détenus à l'étranger en infraction de la réglementation marocain des changes. Naturellement, cette amnistie ne sera pas neutre pour les détenteurs de ces avoirs qui se verront réclamer des amendes (appelées « contribution libératoire sur les avoirs détenus à l'étranger ») en fonction de la nature de ces avoirs (immeubles et actifs financiers : 10 % de la valeur d'acquisition ; liquidités : 2 % ou 5 % selon que celles-ci sont ou non rapatriées...).

Pour autant, ces mesures visent-elles les étrangers résidant au Maroc ? Et notamment, les avoirs que les français détiennent dans leur pays d'origine sont-ils visés ? On ne passe pas 60 ans de sa vie dans son pays de naissance et de nationalité sans laisser quelques traces : immeubles, économies sous différentes "sauces"... La mesure ne nous concerne pas, d'autant plus qu'elle impliquerait des infractions à une réglementation, des mouvements illégaux au détriment des intérêts du Maroc. Toutefois, certains de ces biens investis en France produisent des revenus   perçus chaque année sur ces avoirs et regardent soit le fisc marocain, soit le fisc français, parfois même les deux (dividendes d'actions françaises...).

L'article du bulletin d'El Jadida-Accueil soulignait avec juste raison le fait qu'au plan international une coopération active entre les états se met en place. Il est certain que les échanges de données, déjà prévues par la convention fiscale signée en 1970 entre la France et le Maroc dans ses articles 28 à 30, vont aller crescendo et que, dans un avenir rapproché, tous ces échanges donneront lieu à plus de lisibilité pour le fisc marocain sur nos déclarations de revenus. Les omissions pourront être détectées grâce aux informations fournies par l'administration française. C'est le message que l'association El Jadida-Accueil et nous-mêmes voulons faire passer. Et pour que notre alerte soit bien comprise, nous avons mis en ligne un tableau synoptique des obligations en matière de déclaration de revenus : Que déclarer, à qui déclarer ?, car si la convention fiscale entre le Maroc et la France tend à éviter les doubles impositions, certains revenus (dividendes d'action...) sont taxés à la fois par le Maroc et par la France, ce qui implique une déclaration en France et au Maroc.