- alain
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La barbouzerie n'est pas toujours où on croit qu'elle est
lexpress.fr a écrit:Dupond-Moretti et le PNF:L'enquête déclenchée par le ministre vise les deux magistrats qui étaient chargés de l'affaire des "écoutes" et leur responsable hiérarchique, Eliane Houlette.Trois magistrats du parquet national financier (PNF) dans le viseur d'Éric Dupond-Moretti. Le garde des Sceaux a lancé vendredi une enquête administrative, malgré un rapport qui a largement dédouané le PNF pour ses investigations sur la "taupe" de Nicolas Sarkozy dans l'affaire des "écoutes" , l'institution s'attirant à l'époque les foudres des magistrats.L'enquête déclenchée par le ministre, confiée à l'inspection générale de la justice (IGJ), vise les deux magistrats qui étaient chargés du dossier et leur responsable hiérarchique, l'ancienne cheffe du PNF Eliane Houlette.
- Pourquoi le ministère ouvre une enquête ?
La Chancellerie a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative vendredi matin, estimant que le rapport de l'IGJ montrait que "des faits relevés seraient susceptibles d'être regardés comme des manquements au devoir de diligence, de rigueur professionnelle et de loyauté".
Le PNF avait été mis en cause en juin 2020 pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau - dont Éric Dupond-Moretti, depuis devenu garde des Sceaux - afin d'identifier qui aurait pu informer l'ancien président et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute, dans une affaire de corruption. Le procès de Sarkozy et Herzog est prévu à la fin de l'année.
L'inspection générale de la justice est chargée de déterminer s'il y a eu des manquements professionnels mais elle ne prononce pas de sanction. Si ces manquements sont caractérisés, elle remet un rapport à la Chancellerie et le CSM, alors saisi, donne un avis et propose une sanction s'il estime qu'il y a eu faute disciplinaire. C'est le garde des Sceaux qui prononce, ou pas, cette sanction.
- Un rapport qui dédouane le PNF
L'émoi suscité par cette affaire avait poussé l'ex-ministre de la Justice Nicole Belloubet à demander un rapport à l'IGJ, pour faire la lumière notamment sur "l'étendue et la proportionnalité des investigations" du PNF. Dans son rapport remis le 15 septembre, l'inspection a globalement dédouané l'institution - créée sous François Hollande à la suite de l'affaire Cahuzac -, estimant que le cadre légal était respecté, tout en notant "un manque de rigueur" dans le traitement de la procédure et une "remontée hiérarchique de l'information lacunaire", au vu de la sensibilité d'une affaire mettant en cause un ancien chef de l'Etat.
- Le Garde des sceaux impliqué
Le jour de la remise de ce rapport, Éric Dupond-Moretti s'était montré particulièrement virulent à l'Assemblée. "On peut lire dans ce rapport un certain nombre de choses très intéressantes: le défaut de gouvernance (...) mais aussi un suivi interne distendu (...) un manque de rigueur dans le traitement de la procédure, une remontée de l'information lacunaire... Bref, peut-être un certain nombre de dysfonctionnements", avait-il dit devant les députés.
"Si des manquements sont susceptibles d'être qualifiés de faute disciplinaire, je n'hésiterai pas à saisir les instances compétentes", avait assuré le ministre, critiquant notamment, sans la nommer, le refus de Mme Houlette de répondre aux questions de l'Inspection.
Fin juin, Dupond-Moretti, encore avocat, s'était emporté contre des "méthodes de barbouzes" et avait déposé une plainte notamment pour "atteinte à la vie privée", avant de la retirer le soir de sa nomination comme garde des Sceaux en juillet.
- Eliane Houlette refuse d'être à nouveau entendue
L'ex-patronne du PNF a fait savoir vendredi par la voix de son avocat qu'elle refuserait à nouveau d'être entendue, au motif que "la compétence" de l'IGJ "ne s'étend pas à l'appréciation des actes juridictionnels". "Il est singulier", alors que le rapport n'a pas "décelé" de comportements "susceptibles de devoir être soumis à une juridiction disciplinaire", que "le Ministre demande à la même Inspection de refaire la même enquête cette fois à charge", note l'avocat d'Eliane Houlette, Jean-Pierre Versini-Campinchi.
Dans un communiqué, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a lui-même relevé que le nom des trois magistrats avait été publié par la Chancellerie "sans attendre le résultat de l'enquête" et promis de jouer son rôle "dans la garantie de l'indépendance de l'autorité judiciaire".
"Une attaque inédite" dénoncent des syndicats
"Le conflit d'intérêts est manifeste et disqualifie le ministre pour prendre une décision dans cette affaire", a réagi vendredi Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM), "surprise de la rapidité, voire la précipitation" à ouvrir cette enquête, trois jours seulement après la publication du rapport.
"Le rapport n'apporte ainsi pas d'eau au moulin à ceux qui voulaient voir dans cette affaire un 'scandale'", avait réagi dès mercredi dans un communiqué le SM, classé à gauche, ajoutant que le ministre "ne semble manifestement pas [en] faire la même lecture". Éric Dupond-Moretti se trouve "en situation objective de conflit d'intérêts concernant les suites à donner", poursuivait le syndicat, qui a adressé un courrier au ministre "afin de l'appeler solennellement au respect des exigences attachées à sa fonction".
Dans une lettre ouverte au président de la République, l'Union syndicale des magistrats (USM) et le SM ont dénoncé vendredi une "tentative de déstabilisation, menée dans le but de disqualifier un parquet national financier qui a fait la preuve de son opiniâtreté et de son efficacité dans la lutte contre la délinquance économique et financière".
"Alors que le rapport de l'Inspection n'est nullement à charge contre des magistrats en particulier, ne faisant que relever des dysfonctionnements organisationnels communs à de nombreux parquets, le garde des Sceaux adopte une attitude subjective, partisane et vindicative", considèrent les deux syndicats. Cette nouvelle enquête constitue, selon eux, "une atteinte inédite à l'indépendance de la Justice, qui plus est par un ministre directement concerné par cette affaire". Les deux syndicats en appellent donc "solennellement" à Emmanuel Macron et à son "rôle constitutionnel de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, gravement menacée".
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